Maroc : un blogueur emprisonné pour avoir exprimé, pourtant pacifiquement, ses opinions

Lundi 8 septembre, un blogueur Marocain a été condamné à deux ans d’emprisonnement, ce qui constitue une première. Mohamed Erraji a également été condamné à verser une amende de 5 000 dirhams (environ 445 euros) pour « manquement au respect dû au roi ». Il n’est pas le premier Marocain emprisonné pour avoir exprimé, bien que pacifiquement, ses opinions concernant la monarchie, sujet qui reste « tabou » au Maroc.

Le 11 septembre 2008, la Cour d’appel d’Agadir a décidé de lui accorder la liberté provisoire demandée par la défense. Son procès en appel débutera le16 septembre 2008.

Mohamed Erraj aurait été condamné en raison d’un article qu’il avait mis en ligne le 3 septembre sur le site marocain indépendant Hespress.com. Cet article avait pour titre Le roi encourage le peuple à l’assistanat. Le lendemain, il a été convoqué par la police à Agadir, où il vit, et interrogé de 9 heures jusqu’à dix-sept heures. La police lui a demandé de se présenter à nouveau au commissariat le 5 septembre. Il a été placé en détention provisoire et transféré dans la nuit du 7 septembre à la prison d’Inzegane.

Mohamed Erraji a comparu devant le tribunal de première instance d’Agadir le 8 septembre, sans pouvoir être défendu par un avocat. Il a été condamné au motif qu’il avait admis avoir écrit l’article en question.

Ses proches ne savaient pas qu’il avait été placé en détention. La législation marocaine oblige pourtant la police à signaler l’incarcération d’un suspect à la famille de ce dernier dès le début de la détention. Le juge a demandé à Mohamed Erraji s’il était défendu par un avocat, mais sa famille a expliqué que les choses étaient allées tellement vite pour l’enquête et le procès qu’il n’avait pas eu le temps de trouver un défenseur.

« Mohamed Erraji est en prison uniquement parce qu’il a exercé son droit à la liberté d’expression ; il doit donc être libéré immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International.

« De tels abus vont à l’encontre de l’image que voudraient véhiculer les autorités marocaines d’un pays où le respect des droits humains a considérablement progressé. »

Mohamed Erraji, âgé de vingt-neuf ans, commente l’actualité sociale et politique marocaine sur son blog, qui représente pour lui un espace où il peut librement s’exprimer.

Ces dernières années, plusieurs personnes, dont des journalistes, des militants politiques et des défenseurs des droits humains, ont été poursuivies et dans certains cas condamnées à des peines d’emprisonnement pour avoir exprimé, de manière pourtant pacifique, leur point de vue sur la monarchie. Le Code pénal et le Code de la presse marocains contiennent des dispositions prévoyant des peines pouvant aller jusqu’à cinq années d’emprisonnement et de lourdes amendes pour toute « offense » commise envers le roi ou les membres de la famille royale, ou en cas d’« atteinte au régime monarchique ».

L’année dernière, huit membres de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) qui avaient participé le 1er mai à des manifestations pacifiques au cours desquelles des slogans critiquant la monarchie avaient été scandés ont été condamnés à des amendes et à des peines allant jusqu’à quatre ans d’emprisonnement pour atteinte à la monarchie. Ils ont été graciés par le roi au mois d’avril de cette année.

Ahmed Benchemsi, directeur de publication des hebdomadaires Tel Quel et Nichane, a été inculpé en août 2007 de manquement au respect dû à la personne du roi, après la publication d’un éditorial relatif à un discours du roi. Son procès a été récemment ajourné.

« Il est grand temps que les autorités marocaines réforment les lois qui empêchent le respect du droit fondamental à la liberté d’expression pourtant garanti dans la Constitution marocaine et dans la législation internationale, a souligné Amnesty International. Les autorités devraient immédiatement mettre fin aux poursuites engagées contre ceux qui n’ont fait qu’exprimer pacifiquement leur point de vue, et libérer les personnes qui ont été emprisonnées uniquement en raison de leurs opinions. »